Comment
as-tu rencontré Thierry Titi Robin ?
J-M Fouilleul : j'ai eu l'occasion
de travailler à plusieurs reprises pour Titi Robin, à
propos de réglage, ou de travaux d'entretien sur ses instruments.
Au cours de ces rencontres, un rapport de confiance s'est établi,
c'est primordial dans cette profession.
Suite à un petit accident sur sa guitare ( obligation de
changer la tige de réglage, donc la touche
) Thierry
avait émis l'idée de faire une copie de cette guitare
Les instruments peuvent souffir dans les voyages et Thierry se
déplace énormément en France mais aussi à
l'étranger et notamment en Inde.
Parles-nous de cette guitare.
C'est, je crois, une guitare Di-Mauro . Qu'a-t-elle de particulier?
J-M F : D'abord , il faut
préciser que c'est "la guitare " de Titi Robin,
je veux dire son unique guitare. L'utilisation qu'il en fait est
aussi très personnelle: une musique qui reprend le chemin
des tsiganes, de l'Inde du nord à l'Espagne en passant
par les bords de la Méditerrannée.
Evidemment, quand on pense " tsigane" en guitare on
pense manouche , Django et ses fameuses guitares qu'il a promues
. Mais là encore, le jeu de Titi Robin rappellerait plutôt
le jeu du oud ( instrument qu'il joue aussi d'ailleurs ), et de
plus il monte sa guitare avec des cordes X-Light, rien à
voir donc avec les traditionnelles Argentine .
Ceci explique en partie le choix de cette guitare toute particulière
comme nous allons le voir.
A première vue, c'est une
guitare de type " Manouche": pan-coupé, grande
bouche, chevalet à moustache
l'étiquette aussi,
Di-Mauro année 1979 réf.101 .
Et puis viennent les premiers étonnements: la largeur du
manche 4,9 cm au sillet, 5,9 cm à la 12 ème fret
; le diapason de 64 cm , petit pour ce genre de guitare.
Quand on se penche un peu plus sur cet instrument le barrage lui
aussi surprend: l'accent a été mis sur des barres
longitudinales ( type éventail sur la guitare classique
) et non sur les barres transversales, dont seule une subsiste
derrière le chevalet.
Tu
as donc réalisé une copie de cette guitare. Comment
s'y prend-t-on pour ce genre de travail?
J-M F : On fait la même
chose , on change juste l'étiquette ( rire). C'est une
boutade bien-sûr.
Plus sérieusement, je voudrais dire que je ne me sens pas
" copiste" comme on peut l'entendre dans l'art. Si j'avais
à réaliser une copie de tableau, je serais bien
embarassé
Je pense que j'essayerais de saisir l'impression générale
du tableau et de la retranscrire, mais nous ne sommes plus alors
dans un travail de copiste
.
En facture instrumentale, on doit opérer avec ses yeux,
son toucher, mais surtout son ouie.
Et de surcroît, le point essentiel est qu'un instrument
ne peut" être", ne peut sonner, sans le musicien.
C'est au bout du compte lui qui façonne, qui fabrique le
son final.
J'ai donc en premier dirigé mon attention vers le musicien,
essayant de décripter et d'analyser ses impressions vis
à vis de sa guitare, et puis bien sûr en écoutant
ce qu'il en fait, ce qu'il sort de cette "boîte"
( la discographie de Titi Robin est suffisament riche pour cela
)
Parallèlement, j'ai réalisé un relevé
précis de cette guitare, ce qui a permis de dégager
les "incontournables" qui déterminent l'aspect
acoustique ( et je pense en priorité à la mécanique
de la table, au choix des bois
)
En ce qui concerne l'esthétique, Thierry m'a laissé
libre, et a lui-même suggéré quelques modifications.
La difficulté d'un tel excercice est que, pour atteindre
l'objectif fixé, on peut être amené à
se faire "violence". Par exemple, j'aurais taillé
les barres d'harmonie tout autrement si j'avais dû concevoir
cette guitare à l'origine.
Mais l'important est que le musicien retrouve la sensation physique
et auditive de son instrument. En facture instrumentale , on ne
fait jamais une copie parfaite, on tente d'approcher au plus prêt
de l'esprit original
Coordonnées
de Jean-Marie Fouilleul