Antoine
Payen :Comment as-tu
commencé avec la musique, quel est ton souvenir musical le
plus lointain ?
Jean-Marie Redon
: Mon grand frère possédait une guitare. J'ai commencé
à jouer sur une corde me disant que bientôt peut-être
je serai capable de jouer sur deux cordes.
- Quel a été ton premier contact "sérieux"
avec un instrument ?
Mon premier instrument a été la guitare. Comme beaucoup
à cette époque, j'étais fan des Shadows et
Hank Marvin mon dieu. Je me suis fait les doigts en essayant de
l'imiter.
- Comment as-tu "rencontré" le banjo et comment
as-tu décidé de l'adopter définitivement ?
J'ai été engagé dans mon premier groupe "
The Dunce's " en 1966 comme second guitariste. Le chanteur
du groupe était Alain Bashung. Nous faisions de la musique
acoustique, ce qui était assez rare pour l'époque
et m'était encore totalement étranger. J'étais
plutôt rock. J'ai appris à découvrir le folk,
Dylan, Peter Paul and Mary, le blues puis Woody Ghutry et les musiques
Old Time par les New Lost City Ramblers. Nous qualifiions notre
musique de Skiffle. Lorsque Bashung nous quitta pour se lancer dans
sa carrière, nous avons petit à petit glissé
vers une musique plus proche du Bluegrass que nous venions de découvrir.
Comme j'avais travaillé la guitare picking on me désigna
pour tenir la place de banjoïste. Je suis plutôt bon
camarade et j' acceptai. Je fus rapidement complètement accroché
par l'instrument et laissais quasiment tomber la guitare.
- Quelles ont été les grandes étapes de
ta progression en tant que musicien professionnel ?
Mon premier groupe de Bluegrass s'appelait Bluegrass Flingou 37,5.
Nous avons enregistré notre premier disque en 1969. Puis
en 1971 j'ai participé au groupe Bluegrass Connection qui
fut assez célèbre. Nous sommes partis aux U.S.A durant
plus de trois mois où nous avons enregistré un disque,
rencontré Bill Monroe qui nous prit sous son aile et nous
fit jouer au Grand Ole Opry. Nos idoles sont devenues nos amis et
j'ai pu ainsi entrer en contact avec ce monde fantastique du Bluegrass
américain. En 1973 je rencontrai Marcel Dadi qui m'engagea
comme vendeur dans son magasin de musique et comme musicien. Puis
ce fut le groupe Long Distance qui eut un succès certain
et ce même en dehors des milieux folk et bluegrass. Puis ce
fut le groupe international Eurograss avec lequel nous avons tourné
en Europe et aux U.S.A. Ma dernière rencontre avec Mox Gowland
est pour moi un virage important, car je joue maintenant une musique
dans laquelle je suis à l'aise et qui me passionne.
-
Tu as rencontré un grand nombre de musiciens de tout premier
ordre ces dernières années, et pas seulement dans
le monde du Bluegrass, quels sont ceux qui t'ont marqué ou
influencé et pourquoi ?
Bill Monroe, bien sûr, c'était un personnage hors du
commun. J'ai eu la chance de jouer et d'enregistrer avec plusieurs
guitaristes talentueux. Marcel Dadi bien évidemment, Jean-Félix
Lalanne, Romane avec qui j'ai collaboré plusieurs années
et qui a gravé ses premières notes sur l'un de mes
disques, j'en suis très fier car j'ai beaucoup d'admiration
pour lui.. Pierre Bensusan avec qui j'ai joué du Bluegrass
lorsqu'il était mandoliniste et avec qui j'ai enregistré
deux de mes compositions alors qu'il commençait à
élaborer son style si particulier. Bill Keith, un génie
qui fit avancer le banjo de façon magistrale permettant à
l'instrument de s'exprimer dans n'importe quel style musical. Claude
Bolling qui m'a fait enregistrer pour ses musiques de films, quel
musicien, et quel homme simple et formidable.
- Le "five string banjo" est finalement un instrument
assez peu connu et peu joué en France, notamment parce
qu'on le croit limité à un seul genre musical. Quelles
sont selon toi les possibilités de l'instrument ? Peut-on
comparer le banjo 5-cordes et la guitare ?
Oui le banjo est un instrument méconnu. Ou plutôt je
dirais que le banjo souffre d'une mauvaise image totalement injustifiée.
On le croit réservé à un seul style, le style
" cow-boy ", mais la musique de " cow-boy "
n'existe pas. On croit cela uniquement par manque de culture. Mais
je ne vais pas vous infliger ici l'historique du banjo. Il a aussi
l'image d'un instrument rudimentaire, rigolo, facile à jouer.
Bien sûr ce n'est pas le cas. Croyez moi, ce n'est pas si
rigolo de se taper des heures à travailler des gammes. On
peut tout jouer avec un banjo et sa technique est très riche,
aussi riche que celle de n'importe quel instrument. Le banjo est
un cousin de la guitare mais il en est techniquement assez éloigné.
- Quelle part fais-tu à la pédagogie dans ton activité
au quotidien ?
L'enseignement a pour moi une place très importante. D'abord
j'adore ça, ensuite j'ai développé une pédagogie
au fil du temps qui fait que mes élèves peuvent rapidement
comprendre l'instrument.
- Tu participes actuellement à plusieurs formations musicales,
en duo, trio, en groupe, traditionnel, jazz, folk, peux-tu nous
préciser ce que sont tes choix musicaux d'aujourd'hui ?
Je joue actuellement avec deux formations. Phosphène, un
groupe assez hétéroclite. Les musiciens qui le composent
viennent d'horizons aussi différents que la musique celtique,
le rock, le jazz, le classique ou le bluegrass. Notre répertoire
est constitué de compositions personnelles et de reprises
influencées par les styles que je viens de nommer. J'ai une
très grande admiration pour les autres membres du groupe.
Christophe Goudot, multi-instrumentiste et chanteur. Il est aussi
très talentueux dans la prise de son et la réalisation
de sites Internet. Sonia Fumoux, une chanteuse et violoniste très
talentueuse. Daniel Roux, flûtiste et saxophoniste et professeur
d'improvisation à l'école de musique de Bergerac entre
autre, un grand musicien. Enfin mon vieil ami Gérard Cresson
avec lequel j'ai une grande complicité musicale. Guitariste
classique à la base, il est passionné de guitare picking
et à l'aise dans les répertoires de Marcel Dadi et
Pierre Bensusan entre autres. Je suis heureux au sein de ce groupe
car nous jouons les musiques que j'ai toujours rêvés
de jouer.
Je joue aussi et principalement avec Mox Gowland, chanteur et harmoniciste
de Blues de grand talent. Mox et moi animons la section " musique
américaine " du C.M.T. de Ris Orangis. Un jour Mox m'a
proposé que nous jouions ensemble. Cela m'a un peu surpris,
d'autant plus qu'il s'agissait d'un duo voix harmonica et banjo.
J'ai tenté et je ne le regrette pas. Au début, il
fallait un peu ramer car le banjo était le seul instrument
rythmique et harmonique. Puis le groupe s'est enrichi de Sharon
Lombardi à la basse et d'Olivier Depreux à la batterie.
C'est une expérience passionnante et pleine de promesses.
Je suis intéressé par tous styles de musique. Du moins
ceux avec lesquels je peux m'exprimer. Je ne joue plus de Bluegrass,
sinon de temps en temps avec Pierre Bonjour. Cela me manque mais
le Bluegrass est une musique très difficile et il n'y a aucun
débouché en France pour ce style.
- Des concerts, des CD avec ces différentes formations
?
Phosphène a sorti un CD qui est disponible sur le site http://www.phosphene-music.com/
Je tourne principalement avec Mox, nous en sommes au stade d'enregistrer
des démos et un premier CD est à l'étude. Vous
pouvez trouver nos dates sur le site http://mapage.noos.fr/country-blues
Le groupe Phosphène est un groupe plus difficile à
faire tourner vu l'éloignement géographique de ses
membres. Mais nous avons quelques concerts à notre actif
et d'autres sont à venir. Les dates sont également
sur le site de Phosphène. Ou plus simplement toutes mes dates
de concerts sont sur mon propre site http://mapage.noos.fr/jmredon/
- Quels sont tes projets pour l'avenir ?
On m'a suggéré qu'il serait bien que je sorte une
nouvelle méthode. Comme j'ai du matériel avec mes
cours, je me dis pourquoi pas ? Et puis bien sur, faire tourner
les groupes avec lesquels je joue, ce qui n'est pas chose facile
dans le contexte musical français actuel.
- Pour finir, que peux-tu
dire à tous les guitaristes qui vont lire ces lignes pour
les convaincre de s'essayer au "cinq-cordes" ?
Si vous avez une vieille gratte, transformez-la en 5 cordes. C'est
facile, il suffit de virer les cordes de mi grave et de la, placer
un petit clou à la 5ème case (à la place de
la corde de la) pour fixer la cinquième corde. Vous pourrez
ainsi travailler la technique du banjo
pour voir. Bien que
je pense que le banjo n'est pas plus difficile qu'un autre instrument,
attention c'est un instrument très technique qui ne supporte
pas la médiocrité. Et attention encore, il y a de
fortes chances que vous soyez conquis par ce satané instrument
et si vous vous en donnez les moyens vous en serez complètement
accro.
Antoine
Payen
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