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Les Beaux Dégâts
Francis CABREL mai 2004
www.franciscabrel.com
Il est toujours délicat d'écrire la chronique du dernier CD d'un artiste que l'on connaît depuis ses débuts. Partagé entre l'envie de retrouver un son, des mélodies semblables à celles qui nous ont marqués, et l'attente d'un renouveau que l'on craint néanmoins qu'il nous déçoive. C'est donc devant cet inévitable dilemme que je me trouve, le dernier Cabrel tournant en boucle sur la platine, les oreilles recouvertes d'un énorme casque d'où rien ne s'échappe, et moi tel un chasseur de sons et d'émotions, les doigts dansant sur le clavier...

5 années entre Hors Saison et les Beaux Dégâts ne semblent pas s'être écoulées à l'écoute du premier titre diffusé sur les radios avant la sortie dans les bacs. "Bonne nouvelle" sonne comme un agréable "déjà vu" aux sonorités "knopfleriennes" avec un excellent jeu de Denys Lable.
"La vie me donne ce que j'attends d'elle, Bonne Nouvelle", chanson d'Amour d'un Francis Cabrel qui semble heureux et l'annonce dans son premier titre, le ton est donné.

En vl'à du Blues, en v'là
Le Blues débute l'album avec " les Faussaires " un Blues où la phonétique musicale des mots balance avec le basse de maître Paga et des cuivres bienvenus.

Le Blues met aussi à l'honneur les guitares Fender et notament le modèle de légende " Télécaster ". Une chanson toute trouvée pour Denys Lable qui prend la sienne pour nous offrir des riffs et chorus qu'il affectionne particulièrement puisqu'il est l'initiateur de la tournée et des enregistrements "d'Autour du Blues". Le Blues clôt l'album avec "je te vois venir" qui sonne comme une vieille ballade teintée par l'orgue Hammon de Gérard Bikialo et la guitare de Denys Lable, les cuivres lancinant et la voix grave et suave de FC.

Un tube !! un tube !!
Eh ben oui forcément, la foule l'attend, le réclame et la maison de disque a les mains moites ! alors, alors… même si aucune chanson de cet album ne ressort comme un bijou d'originalité, certaines vont plaire et boucler aux oreilles du public de FC comme " Bonne Nouvelle ", " Qu'est ce que t'en dis ? ", "Tu me corresponds " , " Elles nous regardent " clin d'œil involontaire à " Sous les jupes des filles " d'Alain Souchon avec un délicieux finger-picking ou encore "Elle dort" où l'on peut retrouver en arrière plan les voix de Dalila Laborde et de Myriam Kastner dont nous vous avons souvent parlé...
Peut être quelques ++ pour "Tête saoule" avec une rythmique endiablée et un superbe choeur final...

Hommage aux grands
Après Otis Redding, Jackson Browne, James taylor... c'est Bob Dylan qui est à l'honneur avec une belle adaptation de "Shelter from the storm".

Alors ? Quoi de neuf ?
La première chose que l'on remarque est sans aucun doute la maturité vocale de FC. Ceci est sûrement lié aux années qui passent et comme pour beaucoup de chanteurs, FC devient pointu vocalement, ce qui n'est pas le cas de tous les chanteurs de cette génération comme, par exemple, au hasard… Renaud, lui qui chante aussi faux que Renaud et Guy Béart réunis (dixit Renaud lui même qu'on adore et qu'on salue).

Même si son registre vocal tend à baisser en tonalité dans cet album, ce n'est pas par contrainte mais par choix puisqu'il est tout à fait capable d'aller chercher les notes aigues (voir "Down in Mississipi" d' " Autour du Blues ").
Sa voix chaude, suave et terriblement précise fait ressortir des textes fidèles au style Cabrel qu'on aime ou pas mais avec une phonétique musicale plus affinée et qui prend alors toute sa dimension avec la rythmique de sa guitare. Car ne l'oublions pas, FC n'est pas un simple chanteur auteur et compositeur mais un guitariste/chanteur auteur et compositeur qui aimerait, sans doute, passer un peu plus de temps sur son manche que devant un micro chant.

Guitares, guitares...
Il est cependant regrettable de devoir parfois tendre l'oreille pour apprécier les belles et complexes rythmiques de FC. Timidité ? Volonté dans les arrangements ? Il est clair que ce choix semble volontaire. Tout d'abord, toutes les guitares utilisées par FC dans cet album (Gisbon J200 et Gibson Hummingbird voir ci-dessus) sont des instruments peu puissants à faible projection sonore, plutôt appréciées pour leur originalité sonore et leur équilibre. Ces guitares, associées au jeu typique de la main droite de FC qui étouffe les cordes, révèlent alors une sonorité discrète qui définit exactement le style du jeu acoustique de FC.

Même si son image d'artiste de variété masque, le plus souvent, ses talents de guitariste aux yeux du grand public, il n'est pas rare d'entendre d'un public un peu plus averti ce qu'il pense de son jeu de guitare. Dans une des interviews que Dick Annegarn (un des grands poète/guitariste/chanteur trop mal connu!) nous avait consacrée, il n'hésitait pas à dire : "...je voudrais dire que Francis Cabrel est celui qui exploite le mieux la partie lutherie de la guitare, il enregistre je crois sans effets ou avec très peu. Il fait partie pour moi des " guitares " presque reconnaissables même s'il en utilise beaucoup !! ..."

On remarque quand même et enfin (!!!!) que FC décide de se lancer dans des solos électriques. (Contrairement à ce qu'il confiait dans une précédente interview ). Toujours lié à des découvertes de nouvelles guitares, c'est sur un modèle du luthier Pensa (ci-contre, luthier de Mark Knopfler) qu'il réalise le solo (non prévu) de la première chanson "Les faussaires".
Et alors ? c'est parfait, on regrette vraiment qu'il n'en fasse pas plus.
On ne peut que l'encourager à "se lâcher" un peu plus sur son manche électrique.

Coté formation musicale, on remarquera que tous les artistes présents représentent le noyau d'Autour du Blues : Denys Lable aux guitares, Bernard Paganotti à la Basse, Denis Benarrosh à la batterie et aux percussions et Gérard Bikialo aux claviers et à la réalisation artistique. Amis et partenaires de longues dates, FC a bénéficié pour l'enregistrement de cet album d'une grande maturité musicale à travers ces musiciens.

Pas de trésor donc mais du bon Cabrel et même du très bon. Car comme je
vous le disais, il devient pointu vocalement mais aussi guitaristiquement et le tout fait que ses chansons, qui pour bon nombre d'entre nous semble être de la simple variété, sont des oeuvres complexes à interpréter. Essayez donc de prendre votre guitare et de chanter ses chansons. Eh oui, ce n'est pas si simple, textes et guitares sont constamment décalés. Depuis Sarbacane, FC excelle dans ce domaine guitare/voix. Il est alors normal de saluer ici le travail remarquable réalisé une fois de plus par l'artiste.

On veut savoir !
Côté instruments, le public guitariste averti apprécie de savoir quels ont été les bijoux utilisés pour la conception des oeuvres. Allez plutôt chercher ces infos sur le site internet www.franciscabrel.com car ce n'est pas dans le livret que vous saurez si une Gibson, une Cheval, une Quéguiner, une Jacobacci ou une Martin ont vibré sur cet album. Par contre, on découvre qu'un piano fender, un Wurlitzer, une orgue Hammond etc… toute la liste y est !! si, si…. mais pas un mot sur les guitares!

Peut être sur le prochain album, hein dis Mr Cabrel !!??

Jacques Carbonneaux

Vu sur laguitare.com : Interview de Denys Lable sur les Beaux Dégâts