Il est toujours délicat
d'écrire la chronique du dernier CD d'un artiste que l'on connaît
depuis ses débuts. Partagé entre l'envie de retrouver
un son, des mélodies semblables à celles qui nous ont
marqués, et l'attente d'un renouveau que l'on craint néanmoins
qu'il nous déçoive. C'est donc devant cet inévitable
dilemme que je me trouve, le dernier Cabrel tournant en boucle sur
la platine, les oreilles recouvertes d'un énorme casque d'où
rien ne s'échappe, et moi tel un chasseur de sons et d'émotions,
les doigts dansant sur le clavier...
5 années entre Hors Saison et
les Beaux Dégâts ne semblent pas s'être écoulées
à l'écoute du premier titre diffusé sur les
radios avant la sortie dans les bacs. "Bonne nouvelle"
sonne comme un agréable "déjà vu"
aux sonorités "knopfleriennes" avec un excellent
jeu de Denys Lable.
"La vie me donne ce que j'attends d'elle, Bonne Nouvelle",
chanson d'Amour d'un Francis Cabrel qui semble heureux et l'annonce
dans son premier titre, le ton est donné.
En vl'à du Blues, en v'là
Le Blues débute l'album avec " les Faussaires "
un Blues où la phonétique musicale des mots balance
avec le basse de maître Paga et des cuivres bienvenus.
Le Blues met aussi à l'honneur
les guitares Fender et notament le modèle de légende
" Télécaster ". Une chanson toute trouvée
pour Denys Lable qui prend la sienne pour nous offrir des riffs
et chorus qu'il affectionne particulièrement puisqu'il est
l'initiateur de la tournée et des enregistrements "d'Autour
du Blues". Le Blues clôt l'album avec "je te
vois venir" qui sonne comme une vieille ballade teintée
par l'orgue Hammon de Gérard Bikialo et la guitare de Denys
Lable, les cuivres lancinant et la voix grave et suave de FC.
Un tube !! un tube !!
Eh ben oui forcément, la foule l'attend, le réclame
et la maison de disque a les mains moites ! alors, alors
même
si aucune chanson de cet album ne ressort comme un bijou d'originalité,
certaines vont plaire et boucler aux oreilles du public de FC comme
" Bonne Nouvelle ", " Qu'est ce que t'en dis ? ",
"Tu me corresponds " , " Elles nous regardent "
clin d'il involontaire à " Sous les jupes des
filles " d'Alain Souchon avec un délicieux finger-picking
ou encore "Elle dort" où l'on peut retrouver en
arrière plan les voix de Dalila Laborde et de Myriam
Kastner dont nous vous avons souvent parlé...
Peut être quelques ++ pour "Tête saoule" avec
une rythmique endiablée et un superbe choeur final...
Hommage aux grands
Après Otis Redding, Jackson Browne, James taylor...
c'est Bob Dylan qui est à l'honneur avec une belle adaptation
de "Shelter from the storm".
Alors ? Quoi de neuf ?
La première chose que l'on remarque est sans aucun doute
la maturité vocale de FC. Ceci est sûrement lié
aux années qui passent et comme pour beaucoup de chanteurs,
FC devient pointu vocalement, ce qui n'est pas le cas de tous les
chanteurs de cette génération comme, par exemple,
au hasard
Renaud, lui qui chante aussi faux que Renaud et
Guy Béart réunis (dixit Renaud lui même qu'on
adore et qu'on salue).
Même si son registre vocal tend
à baisser en tonalité dans cet album, ce n'est pas
par contrainte mais par choix puisqu'il est tout à fait capable
d'aller chercher les notes aigues (voir "Down in Mississipi"
d' " Autour du Blues ").
Sa voix chaude, suave et terriblement précise fait ressortir
des textes fidèles au style Cabrel qu'on aime ou pas mais
avec une phonétique musicale plus affinée et qui prend
alors toute sa dimension avec la rythmique de sa guitare. Car ne
l'oublions pas, FC n'est pas un simple chanteur auteur et compositeur
mais un guitariste/chanteur auteur et compositeur qui aimerait,
sans doute, passer un peu plus de temps sur son manche que devant
un micro chant.
Guitares, guitares...
Il est cependant regrettable de devoir parfois tendre l'oreille
pour apprécier les belles et complexes rythmiques de FC.
Timidité ? Volonté dans les arrangements ? Il est
clair que ce choix semble volontaire. Tout d'abord, toutes les guitares
utilisées par FC dans cet album (Gisbon J200 et Gibson Hummingbird
voir ci-dessus) sont des instruments peu puissants à faible
projection sonore, plutôt appréciées pour leur
originalité sonore et leur équilibre. Ces guitares,
associées au jeu typique de la main droite de FC qui étouffe
les cordes, révèlent alors une sonorité discrète
qui définit exactement le style du jeu acoustique de FC.
Même si son image d'artiste de variété masque,
le plus souvent, ses talents de guitariste aux yeux du grand public,
il n'est pas rare d'entendre d'un public un peu plus averti ce qu'il
pense de son jeu de guitare. Dans une des interviews
que Dick Annegarn (un des grands poète/guitariste/chanteur
trop mal connu!) nous avait consacrée, il n'hésitait
pas à dire : "...je voudrais dire que Francis Cabrel
est celui qui exploite le mieux la partie lutherie de la guitare,
il enregistre je crois sans effets ou avec très peu. Il fait partie
pour moi des " guitares " presque reconnaissables même s'il en utilise
beaucoup !! ..."
On
remarque quand même et enfin (!!!!) que FC décide de
se lancer dans des solos électriques. (Contrairement à
ce qu'il confiait dans une précédente
interview ). Toujours lié à des découvertes
de nouvelles guitares, c'est sur un modèle du luthier
Pensa (ci-contre, luthier de Mark Knopfler) qu'il réalise
le solo (non prévu) de la première chanson "Les
faussaires".
Et alors ? c'est parfait, on regrette vraiment qu'il n'en fasse
pas plus. On ne peut que l'encourager
à "se lâcher" un peu plus sur son manche
électrique.
Coté formation musicale, on remarquera que tous les artistes
présents représentent le noyau d'Autour du Blues :
Denys Lable aux guitares, Bernard Paganotti à
la Basse, Denis Benarrosh à la batterie et aux percussions
et Gérard Bikialo aux claviers et à la réalisation
artistique. Amis et partenaires de longues dates, FC a bénéficié
pour l'enregistrement de cet album d'une grande maturité
musicale à travers ces musiciens.
Pas de trésor donc mais
du bon Cabrel et même du très bon. Car comme je
vous le disais, il devient pointu vocalement mais aussi guitaristiquement
et le tout fait que ses chansons, qui pour bon nombre d'entre nous
semble être de la simple variété, sont des oeuvres
complexes à interpréter. Essayez donc de prendre votre
guitare et de chanter ses chansons. Eh oui, ce n'est pas si simple,
textes et guitares sont constamment décalés. Depuis
Sarbacane, FC excelle dans ce domaine guitare/voix. Il est alors
normal de saluer ici le travail remarquable réalisé
une fois de plus par l'artiste.
On veut savoir !
Côté instruments, le public
guitariste averti apprécie de savoir quels ont été
les bijoux utilisés pour la conception des oeuvres. Allez
plutôt chercher ces infos sur le site internet www.franciscabrel.com
car ce n'est pas dans le livret que vous saurez si une Gibson, une
Cheval, une Quéguiner, une Jacobacci ou une Martin ont vibré
sur cet album. Par contre, on découvre qu'un piano fender,
un Wurlitzer, une orgue Hammond etc
toute la liste y est !!
si, si
. mais pas un mot sur les guitares!
Peut être sur le prochain album,
hein dis Mr Cabrel !!??
Jacques Carbonneaux
Vu
sur laguitare.com : Interview de Denys Lable sur les Beaux Dégâts
|