Deux concerts de fin de saison 2005/2006
avec la présence très attentue de John Renbourn
Le public était au rendez-vous
de ce rare événement à Paris que les quatre
protagonistes attendaient eux mêmes avec une grande impatience.
Ces quatre mousquetaires sont bien sûr Michel Haumont,
Dominique Cravic, Chris Lancry et Gilles Finzi
qui se sont partagés la première partie des deux concerts.
A l'impatience, il faut ajouter le bonheur qu'ils ont eu à
l'entendre et le voir sur scène, car ils ne cachent pas l'influence
que leur a inspiré John Renbourn, figure incontournable
de la guitare acoustique folk des années 70. Plus de trente
après, ce beau papy grisonnant n'a rien perdu de son toucher
qui m'a laissé complètement admiratif tout au long
de ces deux concerts. Les première et deuxième partie
ont été sensiblement les mêmes durant ces deux
soirées avec quelques nuances non négligeables tout
de même.
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Chris Lancry
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Gilles
Finzi
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Dominic
Cravic
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Michel
Haumont
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Comme à l'accoutumée,
c'est un par un que nos quatre guitaristes montent sur scène,
interprétant à tour de rôle un morceau très
représentatif de leur style. J'apprécie toujours cette
entrée en la matière, car elle a l'avantage de dépeindre
la personnalité musicale et le jeu de guitare qui diffèrent
complètement chez chacun de ces quatre artistes. Le plaisir
est alors plus grand lorsque nous les retrouvons en duo, trio ou
à quatre, c'est comme autant de couleurs et nuances différentes
jetées sur une toile qui nous offrent au final une uvre
originale débordante d'inspiration. L'un des grands moments
de cette première partie, est pour moi le morceau "
Berth and John " composé par Chris Lancry en hommage
à Bert Jansch et John Renbourn. Introduit par
un délicat arpège de Chris et par les harmoniques
de Dominique, le morceau s'installe progressivement avec une délicate
mélodie. Rejoints par Michel et Gilles, c'est l'inspiration
de chacun qui colore cette maginifique composition. L'une des nuances
de la deuxième première partie fut l'intervention
de Fay Lovsky à la scie musicale (membre du ukelele
club de Paris et du groupe des "Primitifs du futur") pour
la chanson : "Marie-Musette, Marie-Putain" (musique Dominic
Cravic et paroles de P Paringaux). Lorsque j'ai vu monter cette
jeune femme sur scène avec cette imposante scie, je m'attendais
à un cours de lutherie façon " humour-gore ",
mais non ! C'était bien en tant qu'instrument que cette scie
fut utilisée. La première impression est celle que
l'on peut ressentir lorsque l'on fait grincer une craie sur un tableau.
Passée cette première étape, les oreilles sont
charmées par un son qui comme le chant d'une sirène
vous enivre malgré vous. Je suis resté époustoufflé
par l'aisance de Fay pour trouver des notes justes sur un tel engin.
L'autre invité de ces premières parties fut Patrice
Jania avec son modèle érable de Franck Cheval.
Le finger picking très élégant de Patrice est
devenu une référence, notamment à travers les
différents arragements qu'il propose dans ses recueils
de partitions avec CD des grands noms de la guitare et de la
chanson.
Comme à chaque rendez-vous,
l'humour est très présent et Patrice y est allé
de quelques jeux mots.
Humour mais émotion aussi avec Roger Mason que Michel
présente comme celui qui lui a donné envie de persévérer
à la guitare. C'est encore Dominic Cravic qui présente
une autre invitée : Dominique Wenta pour la chanson
dont il a composé la musique et J. Duvall les paroles
: "Bye bye bourdon". Très jolie voix douce et cassée
accompagnée de Chris au bottleneck et des 3 autres guitares
pour une chanson très réussie. La première
partie s'achève sur un morceau où les quatre compères
se relayent pour quelques improvisations.
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Michel
Haumont, Fay Lovsky, Dominic Cravic,
Roger Mason et Gilles Finzi
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Michel
Haumont,Dominic Cravic,
Dominique Wenta et Gilles Finzi
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Après un entracte où
une bonne bière nous rafraîchit d'une température
que la climatisation de l'Archipel n'arrive décidément
pas à faire baisser, nous voilà enfin arrivés
à ce moment tant attendu. C'est un vieux bonhomme aux cheveux
grisonnants, qui monte sur scène clopin clopan, guitare à
la main, s'installant confortablement sur une chaise et enlevant
tout de suite ses chaussures laissant alors de merveilleuses chaussettes
trouées comme décoration scénique. Les années
70 sont de retours !
John Renbourn joue ce soir sur un modèle
OM pan coupé du luthier anglais Ralph
Bown sonorisé avec un micro dynamique en face de
la rosace ainsi qu'un micro magnétique Fishman installé
à l'intérieur de celle-ci. Le résultat offre
un son assez correct pour une guitare, cependant, sans grande projection
sonore. Mais les doigts sans onglets ni médiator de Renbourn
font toute la différence. Alternant des morceaux folks, Blues,
finger picking, celtiques et Jazz, John Renbourn nous donne une
vraie leçon de guitare. L'agréable surprise a été
que beaucoup de morceaux ont été chantés avec
une voix, certes un peu usée et moins bien aiguisée
que son jeu à la six cordes, mais toujours juste et bien
placée sur un jeu souvent complexe. Ce qui m'a frappé,
c'est la délicatesse avec laquelle les doigts parcourent
le manche. Quelque soit le morceau joué et le degré
de complexité, la précision et le toucher sont redoutables.
Même si tous les guitaristes de la soirée sont de grandes
pointures, Renbourn a une façon de jouer si précise,
si fluide et si inspirée qu'il peut en effet être accueilli
ce soir comme un grand maître de la guitare. Cet homme vit
chacun des morceaux avec une réelle inspiration. Il n'hésite
d'ailleurs pas à exprimer vocalement quand il ne chante pas,
l'émotion qu'il ressent lors de certains passages.
Utilisant souvent des open tuning,
il s'accorde à chaque morceau, meublant ces moments par quelques
anecdotes que son accent à couper au couteau et mon niveau
catastrophique en anglais, m'ont empêché d'en apprécier
les pointes d'humour.
Le répertoire des deux soirées
a été assez varié alternant ses propres compositions
avec celles des autres, néanmoins plus nombreuses. Il était
agréable d'entendre "Buckets of rain" de Bob
Dylan, "Sweet potatoes" de Booker T & the Mg's,
"Happy meeting in glory" de Joseph Spence, "Anji"
de Davey Graham, "Sweet Home Kokomo" de Kokomo
Arnold ou encore le traditionnel "Lord Franklin".
C'est non sans une certaine émotion que Michel Haumont montera,
le deuxième soir, sur scène pour un duo avec John
Renbourn sur ce fameux "Buckets of rain" de Bob Dylan.
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Michel
Haumont et John Renbourn
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John Renbourn
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C'est donc après un rappel que
John Renbourn finit ces deux soirées qui auront réellement
ravi un public très nombreux. Toute les places assises étaient
prises d'assaut et les derniers se sont contentés de rester
debout près du bar. On aura pu remarquer la présence
dans le public de Maxime Le Forestier et de Jean-Félix
Lalanne. Le pari de Paris guitare rendez-vous est donc totalement
réussi car toutes les soirées ont eu le public escompté
et la prochaine saison qui débutera en octobre 2006 peut
d'ores et déjà s'annoncer comme le souhaitent nos
quatre mousquetaires. L'Archipel devient donc avec ce rendez-vous
mensuel le nouveau lieu parisien de rencontres des grandes noms
de la guitare et en attendant octobre, les inconditionnels de la
guitare instrumentales vont être servis, car Michel Haumont
vient tout juste de me prévenir qu'un événement
aura lieu en juillet avec Jean-Félix Lalanne pour trois concerts
qui donneront le jour à un CD live ! Alors,
c'est maintenant qu'il faut réserver pour ce rendez-vous
inattendu, toujours à l'Archipel.
Jacques
Carbonneaux le 19 juin 2006
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