Voilà,
Greendale, le disque, est sorti. Depuis le temps qu'on attendait.
Pour ceux qui ont loupé les épisodes précédents,
à savoir le mémorable
concert au Palais des Congrès le 24 mai dernier, ou celui de
Dublin, aujourd'hui disponible sur l'excellent et indispensable dévédé
bonus mis en ligne
depuis juin sur neilyoug.com, résumons un peu.
Le nouvel opus de Neil Young est ce qu'on appelle un "concept
album". Une
histoire racontée tout au long du disque. Et même plus,
puisque, 30' d'explications, drôles et poétiques, étaient
données par Neil entre les morceaux, outre d'innombrables indications
à tiroir sur la généalogie des héros,
toujours sur le même site. Tout ça est grosso modo repris
sur le livret du cédé (lequel livret une fois retiré
du boîtier refusera à jamais de le réintégrer).
Or donc, de quoi s'agit-il ? De l'histoire des membres d'une famille
américaine, moitié
paysans moitiés artistes, vivant pépères sur
la côte Ouest des USA. Jusqu'à ce qu'une médiocre
et banale histoire de deal ne se termine par la mort d'un flic. Le
destin de tout le monde bascule. Le vénérable
grand-père, harcelé par la presse, fait une attaque,
fatale. La jeune et forcément sublime fille de la famille pète
un plomb, s'enchaîne à une statue au siège de
la compagnie électrique (le tout date d'une mémorable
panne de courant en Californie l'an dernier). Le FBI la traque, puis
lui fout la paix. Elle part, cap au Nord, avec son pote rencontré
dans un bar bourré et enfumé, pour sauver la Nature
en général et l'Alaska en particulier.
Le récit, ponctué de touches surréalistes, saupoudré
des interventions du Diable, un gentil diable d'ailleurs, est plaisant.
Les exégètes se repaissent d'allusions aux textes de
chansons que Neil
Young nous délivre depuis plus de trente ans. Eh oui, personne
ne rajeunit.
Là où le bât blesse, c'est à l'écoute
de lla version dite électrique, le cédé
officiel
qui vient donc de sortir, et qui sera
pour la majorité la seule version connue. Elle est interprétée
par Ralph Molina & Crazy Horse, avec Neil
Young
en Guest Star. On n'entend qu'une
batterie métronomique, binaire jusqu' à la
caricature, et ce d'un bout à
l'autre du disque, sans variante. Qui plus est, mixée à
un niveau sonore à peut près triple des autres intervenants.
Que dire d'autre ? rien, on entend rien d'autre. Plusieurs morceaux
ont de la matière, on se dit là, le Sachem, ou le
Bûcheron, ou l'Homme à la chemise à carreaux,
ou Grincheux, alias (à tort) le Loner (le Loner pour Neil,
c'est Stills, mais on s'en fout), Neil Young donc va nous sortir
un solo. Ben non, on attend, en vain. Il joue tout le disque sur
le ton feutré qu'il a inauguré avec Are You Pasionate
? mais qui était bien mieux de ce point de vue là.
J'ai
la furieuse impression, que ce disque, enregistré en une
session de plusieurs jours à l'automne 2002, comme Neil nous
l'a gentiment raconté, ne plaît pas non plus à
Neil. Ce coup-ci il l'a sorti quand même. Mais au cours du
printemps, conscient du problème, il concocte une version
acoustique, qu'il nous sert en Europe et qui fait l'objet du dévédé.
Et là on ne parle plus de la même chose. Maîtrise
absolue des guitares, sons inouïs (au sens propre), registres
vocaux très larges, novateurs (la voix du Grand Père,
sublime, est même passée à la trappe sur la
version électrique !)
Il
y a une ironie à constater qu'à la question traditionnelle
; « vous préférez Neil en acoustique ou en électrique
? » avec des éléments qui nous jetaient tous
dans des abîmes de perplexité, comme l'Unplugged, ou
des versions pirates acoustiques de Powderfinger, on n'avait jamais
su bien répondre.
Là on est servi, mais sur des mauvaises bases. En sortant
du Palais des Congrès on se demandait, mais qu'est ce que
ça peut donner en électrique ? Qu'est ce que ça
va apporter ? La réponse est : « rien. Mais... ».
Mais ça aurait pu être bien. On se demande ce que ça
aurait donné avec Jim
Keltner aux fûts. Depuis que je l'écoute, je me dis
même que c'était un truc pour Charlie Watts et son
puissant mais délicat touché de caisse claire. Mais
faut pas délirer, ni même rêver !
Et la guitare aurait pu décoller. Ça ne s'est pas
fait. Tant pis. Neil Young se cantonne dans son personnage de héros
mythique, marginal et semi-incompris. Parfois ça fatigue.
Son public, je veux dire.
Ah oui, le film de l'histoire ultimate version en dévédé
filmé en 8 (ciné super 8 ou vidéo 8mm, j'ai
pas bien compris) sort pour Noël. Trop cool !
I can't wait ! Vous avez aimé Journey thru the past, vous
allez adorer le retour à la caméra de Bernard Shakey
(le pseudo de Neil au cinéma, pour ceux qui ont manqué
le début).
« Turn the pages of this old book Sounds familiar, it may
be worth a second look. »
Extrait de Bandit, excellent titre, vu que c'est en acoustique sur
toutes les versions. Il a pas réussi à la massacrer.
Ou alors Molina était malade ce jour là.
Franck Playe
Explication
et traduction du concept de Greendale
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