Il nous offre une tasse
de thé et nous démarrons l'interview.
Laguitare.com
: Devenir luthier banjo, c'est atypique. Peux-tu nous expliquer
ton parcours ?
Georges
Assaban : Vers 13, 14 ans, j'ai fait une école
de menuiserie et de mécanique en même temps. Cela
était courant à l'époque (G.Assaban est né
en 1949). J'ai suivi cela quelques temps et je me suis mis à
travailler très jeune. J'avais une petite agence immobilière
lorsque j'avais une vingtaine d'années et un matin je me
suis levé avec la détermination de changer de vie.
J'ai tout plaqué, fermé l'agence. Ce que je possédais
m'a tout juste permis d'acheter un banjo bon marché, et
de prendre un billet d'avion pour les Antilles(St Barth). Je m'y
suis installé quelques temps, et j'ai commencé à
pratiquer le banjo. A l'époque il n'y avait pas de méthode,
et je ralentissais les cassettes pour essayer de comprendre, comment
"ils faisaient". Un vacancier américain qui m'avait
entendu jouer, m'a proposer de me montrer, et par la suite m'a
envoyé des méthodes, des disques etc...il se trouve
que c'était un richissime Texan vivant à Cambridge.
Il connaissait pas mal de monde....lorsque j'ai eu un peu de fric,
il m'a envoyé un banjo, un Gibson (pour l'anecdote, c'est
Rockeffeler qui me l'a apporté des USA, il avait une maison
à st Barth...).
J'ai ensuite rencontré un jeune luthier à Montréal
dans les années 70. J'étais donc banjoiste et j'avais
avec moi ce banjo Gibson. J'ai demandé à ce luthier
s'il pouvait me refrêtter mon instrument et il m'a proposé
de me montrer comment il procédait. D'un naturel curieux,
je voulais savoir comment était fait un banjo. Le luthier
m'a avoué n'en avoir jamais démonté. Il m'a
proposé ses outils et j'ai désossé mon banjo.
Evidemment, j'ai du en re-fabriquer un autre sur place car j'avais
bousillé le mien. Ce sympathique luthier m'a transmis son
savoir et c'est ainsi que j'ai "débuté"
dans la fabrication.
J'ai aussi joué de la guitare classique mais j'ai abandonné,
préférant nettement me consacrer au banjo. En revenant
des Etats-Unis, Jean-Marie Redon (grand banjoiste Français)
m'a encouragé à fabriquer des banjos. J'ai commencé
puis je suis rapidement reparti à l'étranger et
j'ai voyagé 17 ans. Ce n'est qu'en revenant du Venezuela
que je me suis définitivement installé à
Meaux et réellement démarré la fabrication
de ces instruments. En décembre 1993. Meaux, parce que
nous y étions "bloqué" 5 ans, du fait
des études de ma femme.
Qui t'achète tes
instruments ?
Je n'ai jamais fait de publicité. Toutes les demandes proviennent
de copain du copain du copain
A un moment, j'avais monté
une association: la FBMA , "France Blue Grass Association"
avec Jean-Marie Redon. (NDLR: Georges Assaban en était
le président jusque l'an dernier http://www.musictrad.com/bluegrass/).
On a très vite grimpé à deux, trois cent
membres. Par ce biais, j'ai aussi eu quelques clients. Ce n'était,
bien sur, pas le but de cette association. Nous voulions simplement
jouer et nous faire plaisir.
En fait, je ne sais pas comment je trouve mes clients ! Ce sont
les clients qui me trouvent. Il faut dire que nous ne sommes que
deux ou trois luthiers dans cette spécialité à
faire des banjos de qualité. (NDLR: Et ceux de G.Assaban
sont extraordinaires, tant dans l'esthétique que dans le
son. Quel son ! Ils surclassent sans conteste les grandes marques
du genre. Gibson en tête).
Il y a quelques temps, j'ai fait un banjo pour Hubert-Félix
Thiéfaine par l'intermédiaire d'un de ses amis du
Jura. On peut le voir sur la pochette intérieure du CD
"La tentation du bonheur".
Combien en fabriques-tu
par an ? Quels sont les délais ?
J'en fabrique au grand, grand maximum 25 par an. Cette année,
je n'en ai fait que 7. Les délais sont très variables.
Si j'ai 3 banjos à fabriquer ensemble, le temps à
l'unité sera beaucoup plus court que si je n'en ai qu'un
seul à faire. Cela tient surtout à l'outillage spécifique
et ses réglages.
Je pense que, comme tous les luthiers, chacun de mes instruments
est différent. Je ne garde aucun plan de fabrication. Un
client vient, me dit "Je voudrais ça !". On discute,
je regarde le type jouer, j'observe ses mains, sa façon
d'appréhender l'instrument et quelque chose en moi l'attrape.
C'est très difficile à expliquer. En fait, je ne
fais que prolonger les sentiments du musiciens. Les gens m'appellent
souvent et me disent : "Il sonne comme je voulais".
"Mais c'est normal, c'est ton instrument. Unique. Je ai rien
fait d'autres que traduire ce que tu désirais.".