Jacques-André : Avez-vous eu la chance de rencontrer Jimmy D’Aquisto?
John : Oui, plusieurs d’entre nous ont eu l’occasion de rencontrer et de connaître Jimmy au fil des ans. Il lui arrivait d’être invité comme conférencier pendant un colloque de luthiers. Je me souviens de son exposé sur son style de fabrication pendant un colloque du milieu des années 1980 (vers 1986, si je me souviens bien) qui se tenait à Greensboro, en Caroline du Sud. Jimmy était un confrère adulé et très sociable et il aimait beaucoup discuter de lutherie avec tous ceux qu’il rencontrait.
Trois confrères ont eu la chance d’étudier pendant un certain temps dans l’atelier de Jimmy, dont la Canadienne Linda Manzer.
Bien que Jimmy a toujours vécu et travaillé près de chez moi, je n’ai jamais travaillé pour lui. Toutefois, j’ai eu l’occasion de lui rendre visite à de nombreuses reprises lorsqu’il travaillait dans trois emplacements différents à Long Island. Au début de ma carrière, j’effectuais beaucoup de travaux de restauration et de réparation sur des guitares D’Angelico ; ces travaux comprenaient souvent le remplacement des filets de bordure et des incrustations. Ces pièces étaient faites de plastique, dont la durée de vie était alors inconnue, tout comme l’effet de son vieillissement. À l’époque, le plastique était un matériau moderne qui était considéré comme luxueux dans l’industrie. Une grande variété de plastiques était utilisée dans de nombreux produits fabriqués pendant cette période.
Jimmy n’en pouvait plus de réparer ces guitares D’Angelico, car ces travaux réduisaient le temps qu’il pouvait consacrer à la fabrication de ses instruments. J’étais heureux d’hériter des travaux de réparation, car j’appréciais le défi qu’ils représentaient et cela me permettait de gagner de l’expérience. Quant à lui, Jimmy était heureux de ne plus avoir à composer avec ce type de problème. Je m’occupais donc de toutes les réparations. J’appelais parfois Jimmy pour lui poser des questions sur une guitare D’Angelico ou pour lui demander un morceau de filet de bordure dont j’avais besoin. C’est ainsi que j’ai eu la chance de lui rendre visite si souvent. Je me rendais à son atelier avec la guitare sur laquelle je travaillais et par la même occasion, je pouvais voir ce sur quoi il travaillait et j’écoutais les nombreuses histoires passionnantes à propos de ses guitares et des années qu’il avait passées dans l’atelier de D’Angelico. Je lui montrais parfois un de mes instruments ; nous avons passé de nombreuses heures à partager nos idées.
Je me considère très chanceux d’avoir connu Jimmy et d’avoir lié une amitié avec lui.
Jacques-André : Parlez-nous de votre version de la guitare Teardrop. Dans quelle mesure est-elle fidèle aux guitares originales?
John : Si on devait comparer les trois guitares Teardrop, c'est-à-dire la D’Angelico, la D’Aquisto et la Monteleone, la mienne est la moins semblable aux autres. Je ne voulais pas simplement copier les guitares originales ; j’ai donc délibérément cherché à m’en éloigner. Leurs guitares témoignent d’une relation très étroite, presque paternelle, ce qui est fort logique compte tenu de leur histoire commune.
Pour moi, le défi consistait à respecter l’esprit de la conception des deux premières guitares Teardrop, tout en proposant un instrument unique et personnel.
La portion de ma guitare qui l’assimile de manière évidente aux deux autres est l’appendice pointu qui dépasse du côté inférieur droit du corps de la guitare (c.-à-d. du côté des cordes aiguës). John a été le premier à incorporer cet élément à la guitare et Jimmy a repris l’idée en fabriquant sa guitare Teardrop. Bien évidemment, ma guitare comporte également cet élément. À part cela, ma guitare est très différente des deux autres.
Je me suis inspiré de mes mandolines pour concevoir un corps comportant une volute, ce qui permet d’équilibrer la forme de la guitare. Le joint du manche et la volute du corps sont inspirés de mes mandolines.
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