LG : Qu'est ce que vous
diriez à une personne pour défendre le
fait qu'une guitare de luthier est meilleure qu'une
guitare de série ?
Michel Chavarria : Il y a plusieurs arguments
d'une part les arguments techniques et d'autre part
les arguments philosophiques. Pour ce qui est des arguments
techniques, un luthier choisira des matériaux
à l'unité suivant la volonté du
guitariste. C'est une mise à disposition d'un
savoir accumulé au fil des années. En
essayant de répondre aux demandes des uns et
des autres on cumule un savoir faire comme un docteur.
Par rapport au matériau, c'est choisir le bon
matériau par rapport à la volonté
et aux orientations de l'instrument commandé
par le client.
Ensuite philosophiquement je pense qu'à un certain
niveau de qualité une guitare n'est pas un instrument
qui se commande sur un catalogue. Une guitare qu'elle
soit électrique ou acoustique d'un certain niveau
elle se touche et elle se sent. Alors qu'un instrument
industriel ne peut pas être apprécié
comme tel. En effet, le principe de l'industrie est
de rationaliser toutes les étapes et tous les
matériaux afin de faire un produit sans soucis.
Mais un produit automatiquement nivelé complètement
rassemblé autour des préoccupations essentielles
de l'industrialisation : la fiabilité et le meilleur
rapport qualité prix. Le souci du luthier est
différent car le luthier est souvent sur le fil
du rasoir il est à la limite de la résistance
car il veut que la guitare vive donc il est sur des
épaisseurs très particulières.
Il joue avec les matériaux et les équipements
il est donc dans une situation artistique et pas dans
une situation industrielle.
LG : Ces dernières
années LAG a beaucoup évolué en
terme de volume de ventes, comment préservez
vous votre métier de luthier dans ce contexte?
Michel Chavarria : Nous avons une volonté
de garder un tout petit atelier à Bédarieux
dans l'Hérault, qui est le lieu de LAG depuis
des années où on fabrique toutes les guitares
haut de gamme et tout le développement de l'ensemble
des gammes. Il y a neuf personnes dont huit personnes
à la production. D'ailleurs on n'a jamais dépassé
ce seuil depuis vingt cinq ans et la garantie est là.
C'est un tout petit atelier qui crée à
la manière artisanale avec des techniques un
peu plus industrielle. Au lieu de faire deux à
cinq guitares par mois nous en faisons cent et nous
les faisons dans un mode artisanal. Ensuite au niveau
du développement on arrive à des quantités
de l'ordre de trente mille guitares c'est la prévision
pour le budget 2006. Nous avons deux usines en Asie
qui fabriquent le moyen de gamme sous mon contrôle
et ma responsabilité. On a préservé
la survie de l'atelier en ayant une gamme asiatique
qui ne pollue pas car c'est une gamme inférieure
et qui ne pollue les luthiers non plus car ce sont des
instruments "d''apprentissage". Avec ces volumes
cela nous permet d'avoir un volume de vie très
raisonnable et de poursuivre cette activité haut
de gamme c'est-à-dire de la financer comme une
usine telle que Renault finance des voitures de course
avec un atelier de formule 1. S'il ne faisait que de
la formule 1 il serait mort depuis longtemps.
Interview réalisée
par Christine
Hamdi le 30/10/2005
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