Cale et Don Williams ont eu
une énorme influence sur le Clapton de cette époque.
Clapton a dit un jour que "Lay Down Sally" était aussi proche qu'il était possible pour un Anglais
de ressembler à JJ Cale. De son coté, Cale n'a jamais
ressenti le succès de Clapton, comme étant le sien.
"Eric Clapton ramassait les idées" dira Cale plus
tard "Il en a pris quelques unes chez moi comme j'en ai pris
chez d'autres avant moi. C'est très flatteur de savoir que
des gens de cette trempe écoute ce que vous faites. C'est
toujours fantastique quand les gens reprennent mes chansons et les
rendent agréables au public. Pour beaucoup de personnes,
il est difficile d'écouter ma propre version parce qu'elle
est très brute, un peu approximative sur les bords et qu'elle
sonne pas finie, mais c'est ça que j'aime, ne pas trop enjoliver.
Le succés de 'Cocaine' signifait que Cale se trouvait encore à la croisée
des chemins. Il aurait pu se lancer dans une tournée et sortir
un nouvel album dans la foulée. Dans ses concerts, il découvrait
ce qu'il appelle une jeune foule 'boogie'. "Ils voulaient quelqu'un
qui les éclate". Dit-il. Il aurait pu profiter de tout
ça et y aller à fond, au lieu de ça, il repartit
à Nashville et s'occupa à installer un studio dans
sa maison. L'album suivant "5"ne parut pas
avant 1979. Audie Ashworth croyait fortement en "Sensitive
Kind" et y ajouta des cordes. "Je le souhais plus
aérien, je me creusais la tête pour l'améliorer".
La radio ignora superbement la version de Cale, mais Santana en fit une reprise qui se classa au milieu du Hot 100.
En 1980, le New Musical
Express de Londres en voya un journaliste Français, Philippe
Garnier, interviewer Cale. Cale semblait totalement immergé
dans son matériel de studio. "On pétrit la farine
pour faire le gateau" disait Cale pour essayer d'expliquer
pourquoi il devait maintenant maîtriser la technologie des
studios. Il voulait que ses albums soit entièrement siens.
Au fur et à mesure, Garnier se rendit à l'évidence
que Cale irradiait de bonheur et ne semblait absolument pas avoir
de regret sur le cheminement qu'avait pris sa carrière.
Finalement, Cale quitta Nashville et repartit vers la Californie
en 1980. Sa sœur habitait la Californie du sud. Cale vendit
son bateau, empila tout dans son mobile home et repartit s'installer
à Anaheim. Il resta quelques temps dans son mobile home.
Si quelqu'un voulait le joindre, il devait laisser un message chez
Ashworth et attendre que Cale rappelle. Cale possédait le
top de la technologie numérique, mais il n'avait pas le téléphone
!!
Le dernier album chez Shelter, "Shades", sortit en 1981. Peu de temps après,
Denny Cordell lacha Shelter Records. Le nouvel label de Cale, Phonogram
International, acquit donc les droits des 6 albums chez Shelter.
Le premier album chez Phonogram (sous le label Mercury), "Grasshopper", sortit en 1982, C'est un
album délicat, varié, qui marcha fort en Europe mais
moins bien aux USA. Le suivant "Number 8",
sorti en 1983 et se vendit peu, il est à remarquer que pour
la première fois Cale avait accepté de mettre sa photographie
sur la pochette.
Ce n'est pas avant 1989 que Cale signera
un nouveau contrat avec Silvertone Records en Angleterre, une compagnie
créée par Andrew Lauder, le fondateur de Demon/Edsel
Records. Le premier album de Cale chez Silvertone fut "Travel-Log".
Cale fera une tournée pour la promotion de cet album. Dans
une interview accordée à Dave Hoektra pour
le Chicago Sun Times, Cale dira qu'il avait passé les 6 années
précédentes à faire du vélo, tondre
la pelouse chaque samedi, et écouter du rap et Van Halen.
Les années à Los Angeles avait rendu sa musique "plus
clinquante, urbaine". Hoekstra s'étonna des arrangements
amples de Al Capps sur "New Orleans" qui donnaient à l'ensemble l'impression d'une joute entre
une parade type Dixieland et un orchestre à cordes. "Al
Capps m'a réellement scié" disait Cale "J'aime
tellement ce qu'il fait que j'étais prêt à ne
pas mettre ma voix et à en faire un instrumental". Comme
toujours, il était heureux d'expliquer quel modèle
de basse sonnait le mieux sur tel ampli, mais sorti de ça,
il était affligeant de banalités.
En 1992, Cale sortit son
10ème album au titre à la logique implacable "Number
10". La grâce langoureuse était intacte. "Artificial Paradise" comporte certainement
le meilleur solo de Cale. Les habituelles précisions et économies
s'étaient mariées dans un impeccable flot d'idées.
La tonalité est unique, propre à Cale. Sur "Jailer",
la guitare de Cale interagit avec l'orgue de Spooner Oldham
pour apporter une couleur plus sombre.
En 1994, Cale signe avec Virgin Records. Il avait acheté
une maison et du terrain dans un semi-désert de Californie
du Sud. Le premier album chez Virgin, "Closer to You",sortit
avec une rapidité inattendue. Cale avait acheté une
nouvelle Martin personnalisée "Une bonne guitare t'inspire"
dit-il à Paul Trynka "J'ai écris 8 chansons
en une journée. Ensuite j'ai loué les studios Capitol
à Hollywood et j'ai enregistré l'album en 2 jours
avec tous les vocaux en une prise. J'ai tout ramené à
la maison ou j'ai commencé les over-dub".
Cela fait presque 25 ans
qu'un raton laveur pimpant, ressemblant à un personnage sorti
d'une histoire de Lewis Caroll, nous a fait pénétrer
dans l'univers de JJ Cale. Cale a probablement duré parce
qu'il marche à son rythme.
12 Albums. Peut-être 50 concerts par an. Les
disques de Cale restent remarquablement frais, hors d'atteinte du
rock ou autre frénésie musicale. Il faisait un jour
remarquer que ses disques étaient des démos, enregistrés
si simplement qu'un autre musicien y prendrait intérêt
et les ré-enregistrerait. Comme ça, ça ferait
plus d'argent. Vous n'êtes pas obligés de croire cela,
quoique ! C'est de l'art qui dissimule l'art.
Comme toujours, Cale est très occupé
à ne soit disant rien faire. La texture musicale, et la finesse
mélodique sont les marques de fabrique de cet artisan. Ce
sont des disques fait main, riches en nuances et détails.
Trouver une musique plus individualiste est impossible.
JJ Cale est réellement un Américain à part.
Un ami possède un lecteur CD
très particulier. En effet, une fois un disque inséré
dans le tiroir, la platine lit le cd jusqu'au bout. Jusque la rien
d'ahurissant, mais arrivée en fin de disque, cette platine
relance automatiquement la lecture du cd, qui plus est, en bloquant
le tiroir. Le seul moyen d'arrêter cette machine infernale,
c'est de mettre le lecteur hors tension ! Pratique pour les soirées
!!! N'importe
quel être humain sensé (et mon ami l'est) se débarrasserait
de ce genre d'objet, ou tout au moins le ferait réparer.
Et bien, croyez moi sur parole, cet ami n'a jamais jugé utile
de passer à l'acte !!! Pourquoi ?
La
réponse est simple et évidente. Parce qu'il adore
JJ Cale et qu'il ne possède qu'un seul album. Et qu'avec
son type de lecteur, il a l'impression valorisante de posséder
l'intégrale du personnage. Ce que tout le monde pense. Il
met le cd en début de soirée, et sans que personne
ne s'en rende compte, vers 2h00 du matin, c'est toujours le même
disque qui tourne, sans avoir le moins du monde lassé un
seul des invités auditeurs. Bon d'accord, ce n'est pas vraiment
pour une soirée dansante mais plutôt pour une soirée
cool entre amis.
Cela
résume assez bien l'effet JJ Cale, sa personnalité,
la constance de sa carrière et ses admirateurs. Dont je suis.
Le '5 ' étant dans mes disques de chevet en
tant que guitariste (CF Mes
CD)
Pour continuer et
terminer temporairement cette biographie, on peut dire que JJ Cale
a tenu toutes ses promesses. En effet depuis la sortie de son album "Closer to you" en 1994, n'est paru qu'un
seul album de nouveautés (enfin ! nouveautés dans
la continuité) "Guitar Man" en 1996.
Ensuite, il a laissé sa maison de disque bosser pour lui
en éditant best of, coffret et live. En tout quatre parutions. "Anyway the wind blows" en 1997 (2 cd), "The very best of JJ Cale" en 1998 (1 cd),
et le "Live" en 2001. Bref ! fidèle
à lui-même, il passe toujours son temps à être
occupé à ne rien faire. Disons plutôt qu'il
ne dédaigne pas laisser aux autres le soin de gérer
sa carrière.
Avec le recul,
il est certain que JJ Cale fait partie des mythes. Et son "Live" de 2001 nous prouve que, malgré son désir
de passer inaperçu et de rester dilettante, il est devenu
une grosse machine, aux prestations et au son impeccables . Ce disque
nous démontre aussi que, contrairement aux idées reçu,
la musique de JJ Cale est loin d'être decontractée,
bâclée voire flemmarde. Gros camion, gros son, grosse
production, on est bien loin des débuts. Trop peut-être
diront certains nostalgiques. A ceux-la, je dirais simplement "patientez
donc jusqu'à son prochain album de nouveautés !! et
la, vous verrez que rien n'aura changé".
Pour
conclure sur l'effet JJ Cale, je citerai de mémoire Philippe
Garnier qui disait à l'écoute d'un album le '5'
justement :
"…soudain sans vous en rendre compte, dans votre chaise
longue, vous sentez votre orteil du pied droit battre la mesure".
Bonne sieste à tous.
jph décembre 2001
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