L'
équipe de Laguitare.com a décidé de vous
présenter cette année, en avant-première,
les artistes qui figurent à l'affiche du festival d'Issoudun
2004. Antoine Payen y sera pour vous proposer un masterclass
sur le Ragtime Blues. Guitariste passionné et artiste
talentueux, Antoine se caractérise par sa gentillesse
et sa générosité. Que ce soit derrière
une six ou une douze cordes, ce musicien mérite un
coup de projecteur car, avec toute sa modestie, Antoine n'en
est pas moins le spécialiste hexagonal du Ragtime.
Comme le bonhomme sait de quoi il parle, laissons-le parler
!
- Tu vis dans quelle région
?
J'habite à Rouen, en Haute Normandie
- D'où te viens ce
surnom de "Hot-dog" ?
En 1995 je suis allé au premier festival Cap Guitare
organisé par Robert Nephtali à Cap Ferret sur
les bords du bassin d'Arcachon. Parmi les artistes invités,
il y avait Bob Brozman et Jim Nichols et bien sûr, nous
avons beaucoup joué. C'est Bob qui m'a alors donné
ce surnom, m'expliquant que
"Hot-dog" était le qualificatif que s'attribuaient
entre eux les guitaristes qui jouaient Exceptionnellement
vite (et bien !) à l'époque des débuts
du Ragtime-Blues ... Vraiment cool comme surnom !
- Tu pratiques la guitare
depuis combien de temps ?
J'ai commencé à l'âge de 13 ans, j'en
ai 48, ça fait donc ... hou la la !
- Tu es autodidacte ou tu
as suivi un cursus de conservatoire ?
100% autodidacte, je n'ai jamais suivi aucun cours, ni même
réussi à me servir d'une méthode ! Je
ne sais pas lire la musique et n'ai que très peu de
notions théoriques, qui plus est, acquises par expérience.
J'ai toujours appris par imitation, en écoutant ce
que font les autres et quand c'est possible, en regardant.
Ensuite je cherche sur la guitare comment faire la même
chose, ou plutôt quelque chose d'approchant et qui me
va bien!
- C'est la première
fois que tu te retrouves de l'autre coté de la barrière
? Je veux dire, en tant qu'artiste invité?
Non, il y a 3 ou 4 ans (je ne sais plus exactement), j'avais
joué en ouverture du Festival, à ce moment là,
Christian Laborde avait carte blanche pour faire monter sur
scène deux guitaristes amateurs ou très peu
connus. C'était la première fois que ça
se faisait et Christian m'avait choisi avec François
Sciortino. Grand souvenir ! Et puis en tant que "festivalier",
à Issoudun on a toute liberté de se faire entendre,
on peut jouer à la cafétéria, sur les
stands des luthiers, sur les scènes ouvertes ... et
je ne m'en suis jamais privé !
- Ton masterclass sera sur
le ragtime uniquement ?
Pour être précis, je parlerai de Country-Blues
et plus particulièrement de Ragtime-Blues. C'est le
genre musical créé et joué par des musiciens
tels que Blind Blake, Révérend Gary Davis ou
Blind Boy Fuller. En fait, il s'agit d'une musique issue du
Blues, mais enrichie des rythmes plus ou moins syncopés
du Rag des débuts du XXème siècle.
- Tu es tombé dans
le ragtime dans quelle(s) circonstance(s) ?
J'ai grandi dans la musique ! Mes parents étaient très
mélomanes et on avait toutes sortes de disques à
la maison. Mon frère Bertrand, de 3 ans mon aîné,
a commencé le piano très tôt et déchiffrait
les morceaux de Memphis Slim à l'oreille dans les années
65-66. C'est à peu près à la même
époque qu'est sorti le formidable disque de Claude
Bolling "Original Ragtime" qui a tout naturellement
rejoint la discothèque familiale aussitôt ! Et
quand j'ai commencé la guitare, en 1969, ma première
idée a été de transcrire le fameux "Maple
Leaf Rag" de Scott Joplin, à une époque
où je n'avais aucune idée de ce que pouvait
être le finger-picking ! J'avais seulement vu à
la télé un reportage sur Alexandre Lagoya qui
montrait qu'en musique classique on pouvait jouer deux choses
différentes simultanément en utilisant le jeu
aux doigts ... Mais ça m'avait donné l'idée.
D'ailleurs, à l'époque, j'utilisais déjà
des onglets à la main droite, mais c'est pour moi maintenant
un mystère de savoir comment je me les étais
procurés ! Ensuite j'ai découvert le monde du
Country-Blues par le biais des disques de Stefan Grossman,
ça devait être en 1974 ou à peu près.
J'ai tout de suite été carrément scotché
à la musique et la technique de Blind Blake, il y avait
là exactement ce que je cherchais depuis longtemps
!
- Pourquoi avoir choisi la
douze cordes pour interpréter le ragtime ?
J'ai toujours aimé la douze cordes. Le son, la puissance,
le look, tout me plaît dans une douze cordes, c'est
un instrument qui sonne en 3D ! Et puis je crois qu'il y a
un rapport physique, voire physiologique qui s'installe entre
un musicien et son instrument, quelque chose qui fait qu'on
se sent à l'aise ou non avec telle ou telle guitare.
Pour moi c'est avec la douze cordes que ce rapport est le
plus naturel, le plus évident. Ma première douze
cordes était une Epiphone que j'ai acheté en
1974. Elle n'avait pas le "gros son" mais était
très facile à jouer. En 1978 j'ai acheté
une Ibanez, que j'ai toujours et que j'utilise régulièrement,
elle a acquis avec les années de la puissance et une
très belle sonorité. Je la joue le plus souvent
en accords pour accompagner les chants dans les églises.
En 1993, Alain Quéguiner m'a fait la douze cordes que
j'utiliserai pour la masterclass. Cette guitare est une pure
beauté, que ce soit d'un point de vue esthétique
ou sonore !
- La douze cordes pose-t-elle
des difficultés particulières pour ce style
?
Pour celui qui n'a pas l'habitude d'en jouer, certainement.
Le fait d'avoir deux cordes sous chaque doigt de la main gauche
et deux cordes à faire sonner avec les doigts de la
main droite peut paraître déroutant au premier
abord. C'est une question d'habitude et d'entraînement,
avec un peu de persévérance, on arrive très
vite à trouver ses marques et oublier cet aspect des
choses. Pour moi, c'est même un avantage dans la mesure
où deux cordes "cisaillent" moins les doigts
de la main gauche qu'une seule. En fait ce qui rebute le plus
les "six-cordistes" quand ils essayent une douze,
c'est le travail de la main gauche. D'une part parce que la
touche est sensiblement plus large que pour six cordes, mais
surtout parce que les douze cordes qu'on trouve dans les magasins
ne sont jamais réglées pour le jeu fingerstyle,
elles sont toujours trop hautes d'action et donc difficiles.
Mes douze cordes sont réglées avec une action
extrêmement basse, elles frisent facilement quand on
attaque un peu fort mais c'est ce qu'il faut pour être
confortable coté main gauche. C'est au guitariste ensuite
de contrôler les "effets secondaires" pour
faire d'un inconvénient apparent comme le frisage,
un avantage en l'utilisant pour "salir" le son à
volonté, c'est ce qu'on cherche en Blues !
- La douze cordes présente-t-elle
des avantages particuliers pour ce style ?
Absolument ! Quand on joue du Rag, il faut selon moi faire
donner toute la puissance de la guitare, pouvoir appuyer la
rythmique, basse et accords, sans retenue. C'est bien sûr
faisable avec les six cordes, mais dans cet exercice la douze
est d'une générosité sans comparaison
! Autre avantage, mais là peut-être plus personnel,
je trouve que l'action de la main droite est plus efficace
sur la douze cordes, notamment les rythmiques du pouce qui
jouent un très grand rôle en Rag. C'est un peu
du même ordre que ce rapport physique dont je parlais
tout à l'heure, il s'agit de la bonne adéquation
qui existe entre l'action de ma main droite et la réponse
de la guitare. Enfin dernier point, et non des moindres, c'est
la couleur musicale de la douze cordes pour jouer dans l'esprit
de Gary Davis, Willie McTell ou Barbecue Bob; on a dans les
mains toute la richesse sonore pour le faire !
- Tout le monde peut-il aborder
ce style, quelque soit son niveau ?
Tout le monde, oui certainement, mais il faut avoir un niveau
de pratique du finger-picking suffisant pour aborder le travail
particulier du pouce de la main droite qui en fait bien plus
que le basique "poum-tchic" ! Par ailleurs il n'y
a pas de difficultés particulières, les accords
utilisés sont extrêmement simples, l'essentiel,
encore une fois, est de faire sonner l'instrument et lui faire
donner toute sa puissance et son expressivité chaque
fois qu'on en a besoin.
- A ton avis, le ragtime
peut il apporter des influences ou des idées nouvelles
pour le jeu dans d'autres styles ?
C'est évident. Il suffit de citer quelques guitaristes
célèbres qui ont commencé par le Country-Blues
et le Ragtime-Blues : Jacques Stotzem, Peter Finger, mais
aussi Mark Knopfler, Ry Cooder, ... excusez du peu !
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