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Printemps de Bourges
26 avril-1er Mai 2006
 
Mariza

Le concert de Mariza est le dernier auquel nous avons assisté avant de quitter Bourges…et quel concert ! Nous avions bien sûr entendu parler de cette chanteuse afro-portugaise au succès toujours grandissant, et nous nous attendions à entendre quelque chose de très beau…Mais à ce point ! C'est une véritable " claque " que nous avons ressentie ce soir-là, un vent d'émotion et de beauté d'une intensité inouïe.
Mais plantons déjà le décor… : la " Hune ", l'une des deux belles salles de spectacle de la Maison de la Culture de Bourges ; la salle est quasiment pleine. Il y a beaucoup de Portugais dans le public, mais pas seulement, de nombreux festivaliers français et de toutes nationalités sont venus aussi.
Mariza entre en scène avec ses musiciens. C'est une grande femme aux formes sculpturales, aux cheveux teints en blond, qui porte une robe fourreau à paillettes : un vrai physique de star ! Et dès le début, la complicité avec le public s'instaure : elle a beau être habillée comme une diva, on la sent simple, pleine d'humanité et de modestie. Tout en charme et en gaieté lorsqu'elle s'adresse au public, elle nous est à tous, d'emblée ultra sympathique.

Elle entame une série de titres qui alternent entre fados traditionnels, sur une tonalité triste et tragique, et -beaucoup moins courant- mélodies gaies et entraînantes. Sa voix est magnifique, grave, chaude, puissante ; le public est suspendu à ses lèvres, et à son interprétation si sensible. Par ses intonations de voix, ses gestes, ses sourires, ses petites mimiques, Mariza nous fait passer par toute la gamme des émotions. On suit les paroles, on ressent parfaitement le sens des textes, même sans parler le portugais. Elle fait preuve d'une telle précision, sensibilité dans l'interprétation, que c'est à une véritable performance d'actrice que l'on assiste.
Lorsqu'elle s'adresse au public, dans un très bon français mais avec un délicieux petit accent, le charme opère de plus belle ! Elle explique qu'elle est née à Lisbonne, dans le quartier traditionnel du fado, et qu'elle est " 50% Mozambique, 50% Portugal ", avant de dédier la chanson Transparente à sa grand-mère africaine. Une fois de plus, la mélodie est joyeuse et entraînante. Mariza tord vraiment le cou à l'image traditionnelle de la " saudade ", du fado toujours triste, voire larmoyant. Elle danse et occupe l'espace de la scène avec grâce, dans une osmose parfaite avec ses musiciens. Ces derniers sont d'ailleurs de véritables virtuoses, et les instruments sont fidèles à la tradition : percussions, un violon, une très belle basse acoustique à 4 cordes, une guitare flamenca, et une " guitare portugaise ", qui donne un son si caractéristique. Nous avons pu voir ce dernier instrument de plus près, et le guitariste nous a expliqué qu'il s'agissait d'une guitare du luthier portugais.
Sur Chuva, Mariza danse encore sur un rythme joyeux, fait participer la salle qui bat le rythme et tape des mains. Ce titre, construit sur un rythme traditionnel du Portugal, s'achève sur un incroyable solo de batterie, qui dure pendant plus de 10 minutes de " balais " sur le tambour. Le batteur joue savamment sur les nuances de son entre le bord et le milieu de son instrument, et suscite l'enthousiasme de la salle qui le salue par un tonnerre d'applaudissements et une " standing ovation ".
Mariza annonce alors qu'elle va interpréter pour nous Primavera, son fado préféré, un grand classique, et la chanson précise qui, petite fille, lui a donné le goût du fado et le désir de chanter elle-même.
Cette fois-ci, nous y sommes : c'est un fado traditionnel, tragique, et dès les premières notes, nous sommes tous " pris aux tripes "…La voix, puissante, spectaculaire, s'élève dans une plainte déchirante qui semble être la définition même de la souffrance, la souffrance faite son. Plus beaux encore et plus bouleversants sont les moments où cette voix si forte se transforme en quasi chuchotement, comme si elle n'avait même plus la force de chanter ; les dernières phrases se terminent alors dans un simple souffle, les paroles sont mimées plutôt que prononcées…et nous nous apercevons que nous pleurons toutes les deux à chaudes larmes, comme beaucoup d'autres spectateurs d'ailleurs. On ne sait ce qui est le plus impressionnant, cette voix magique, cette sensibilité à fleur de peau, ce talent d'actrice, cette humanité et cette complicité totale avec les musiciens et avec le public… Visiblement émue et heureuse d'avoir réussi à nous transmettre son émotion et son amour pour ce titre, elle dit alors en français " Vous m'avez montré ce soir, une fois de plus, que la musique élimine toutes les frontières ". En effet, devant une interprétation aussi somptueuse, la " barrière " de la langue n'en est plus une !
Evidemment, il y a eu plusieurs rappels ! D'abord, un autre fado, sublime encore de souffrance à la fois exprimée et retenue : on comprend que le pire est presque du domaine de l'indicible lorsqu'elle ne chante même plus, mais scande la musique par de petits gestes frénétiques des doigts…
Puis, lors du deuxième rappel, tout en sourire et de sa voix douce, Mariza, littéralement, nous " emmène en voyage " : " Imaginez un vieux quartier de Lisbonne, une petite rue, une taverne, vous demandez un bacalau grillé à l'huile d'olive, avec de l'ail et du poivre, un peu de vin rouge, et à ce moment-là, une femme commence à chanter le fado, à la manière traditionnelle, comme on a toujours chanté le fado depuis des siècles… ". Les musiciens se rapprochent et elle entonne son dernier titre, sans micro, en souriant.
C'est un véritable triomphe : la salle entière se lève, et Mariza se penche vers les premiers rangs pour serrer les mains. Toujours aussi simple et modeste, elle ramasse toutes les photos, fleurs et autres…cartes de visite laguitare.com que le public lui dépose !
Ce concert magique, nous ne sommes pas près de l'oublier; il a constitué pour nous le moment le plus intense du festival, et nous sommes d'ailleurs encore restées " la larme à l'œil " une bonne partie de la soirée… Finalement, face à une si grande artiste, le sentiment qui domine est la reconnaissance : merci, Mariza, pour tant de beauté !


Aurélie et Christine, le 30/06/2006

 
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