Le concert
de Mariza est le dernier auquel nous avons assisté
avant de quitter Bourges
et quel concert ! Nous avions
bien sûr entendu parler de cette chanteuse afro-portugaise
au succès toujours grandissant, et nous nous attendions
à entendre quelque chose de très beau
Mais
à ce point ! C'est une véritable " claque
" que nous avons ressentie ce soir-là, un vent
d'émotion et de beauté d'une intensité
inouïe.
Mais plantons déjà le décor
: la
" Hune ", l'une des deux belles salles de spectacle
de la Maison de la Culture de Bourges ; la salle est quasiment
pleine. Il y a beaucoup de Portugais dans le public, mais
pas seulement, de nombreux festivaliers français et
de toutes nationalités sont venus aussi.
Mariza entre en scène avec ses musiciens. C'est une
grande femme aux formes sculpturales, aux cheveux teints en
blond, qui porte une robe fourreau à paillettes : un
vrai physique de star ! Et dès le début, la
complicité avec le public s'instaure : elle a beau
être habillée comme une diva, on la sent simple,
pleine d'humanité et de modestie. Tout en charme et
en gaieté lorsqu'elle s'adresse au public, elle nous
est à tous, d'emblée ultra sympathique.
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Elle
entame une série de titres qui alternent entre fados
traditionnels, sur une tonalité triste et tragique,
et -beaucoup moins courant- mélodies gaies et entraînantes.
Sa voix est magnifique, grave, chaude, puissante ; le public
est suspendu à ses lèvres, et à son interprétation
si sensible. Par ses intonations de voix, ses gestes, ses
sourires, ses petites mimiques, Mariza nous fait passer par
toute la gamme des émotions. On suit les paroles, on
ressent parfaitement le sens des textes, même sans parler
le portugais. Elle fait preuve d'une telle précision,
sensibilité dans l'interprétation, que c'est
à une véritable performance d'actrice que l'on
assiste.
Lorsqu'elle s'adresse au public, dans un très bon français
mais avec un délicieux petit accent, le charme opère
de plus belle ! Elle explique qu'elle est née à
Lisbonne, dans le quartier traditionnel du fado, et qu'elle
est " 50% Mozambique, 50% Portugal ", avant de dédier
la chanson Transparente à sa grand-mère
africaine. Une fois de plus, la mélodie est joyeuse
et entraînante. Mariza tord vraiment le cou à
l'image traditionnelle de la " saudade ", du fado
toujours triste, voire larmoyant. Elle danse et occupe l'espace
de la scène avec grâce, dans une osmose parfaite
avec ses musiciens. Ces derniers sont d'ailleurs de véritables
virtuoses, et les instruments sont fidèles à
la tradition : percussions, un violon, une très belle
basse acoustique à 4 cordes, une guitare flamenca,
et une " guitare portugaise ", qui donne un son
si caractéristique. Nous avons pu voir ce dernier instrument
de plus près, et le guitariste nous a expliqué
qu'il s'agissait d'une guitare du luthier portugais.
Sur Chuva, Mariza danse encore sur un rythme joyeux,
fait participer la salle qui bat le rythme et tape des mains.
Ce titre, construit sur un rythme traditionnel du Portugal,
s'achève sur un incroyable solo de batterie, qui dure
pendant plus de 10 minutes de " balais " sur le
tambour. Le batteur joue savamment sur les nuances de son
entre le bord et le milieu de son instrument, et suscite l'enthousiasme
de la salle qui le salue par un tonnerre d'applaudissements
et une " standing ovation ".
Mariza annonce alors qu'elle va interpréter pour nous
Primavera, son fado préféré, un
grand classique, et la chanson précise qui, petite
fille, lui a donné le goût du fado et le désir
de chanter elle-même.
Cette fois-ci, nous y sommes : c'est un fado traditionnel,
tragique, et dès les premières notes, nous sommes
tous " pris aux tripes "
La voix, puissante,
spectaculaire, s'élève dans une plainte déchirante
qui semble être la définition même de la
souffrance, la souffrance faite son. Plus beaux encore et
plus bouleversants sont les moments où cette voix si
forte se transforme en quasi chuchotement, comme si elle n'avait
même plus la force de chanter ; les dernières
phrases se terminent alors dans un simple souffle, les paroles
sont mimées plutôt que prononcées
et
nous nous apercevons que nous pleurons toutes les deux à
chaudes larmes, comme beaucoup d'autres spectateurs d'ailleurs.
On ne sait ce qui est le plus impressionnant, cette voix magique,
cette sensibilité à fleur de peau, ce talent
d'actrice, cette humanité et cette complicité
totale avec les musiciens et avec le public
Visiblement
émue et heureuse d'avoir réussi à nous
transmettre son émotion et son amour pour ce titre,
elle dit alors en français " Vous m'avez montré
ce soir, une fois de plus, que la musique élimine toutes
les frontières ". En effet, devant une interprétation
aussi somptueuse, la " barrière " de la langue
n'en est plus une !
Evidemment, il y a eu plusieurs rappels ! D'abord, un autre
fado, sublime encore de souffrance à la fois exprimée
et retenue : on comprend que le pire est presque du domaine
de l'indicible lorsqu'elle ne chante même plus, mais
scande la musique par de petits gestes frénétiques
des doigts
Puis, lors du deuxième rappel, tout en sourire et de
sa voix douce, Mariza, littéralement, nous " emmène
en voyage " : " Imaginez un vieux quartier de Lisbonne,
une petite rue, une taverne, vous demandez un bacalau grillé
à l'huile d'olive, avec de l'ail et du poivre, un peu
de vin rouge, et à ce moment-là, une femme commence
à chanter le fado, à la manière traditionnelle,
comme on a toujours chanté le fado depuis des siècles
". Les musiciens se rapprochent et elle entonne son dernier
titre, sans micro, en souriant.
C'est un véritable triomphe : la salle entière
se lève, et Mariza se penche vers les premiers rangs
pour serrer les mains. Toujours aussi simple et modeste, elle
ramasse toutes les photos, fleurs et autres
cartes de
visite laguitare.com que le public lui dépose !
Ce concert magique, nous ne sommes pas près de l'oublier;
il a constitué pour nous le moment le plus intense
du festival, et nous sommes d'ailleurs encore restées
" la larme à l'il " une bonne partie
de la soirée
Finalement, face à une si
grande artiste, le sentiment qui domine est la reconnaissance
: merci, Mariza, pour tant de beauté !
Aurélie
et Christine,
le 30/06/2006
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