Neil YOUNG
concert du 25 juin 2008 à Lyon
photos de Michel Laurent
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Neil Young,
un des derniers dinosaures survivants nous à donné
hier soir une bonne leçon de rock and roll. Besognant sans
ménagement sa vieille Les Paul noire au manche à la
peinture usée par les tournées, à la table
creusée par les coups de griffes du Loner, il fera rendre
l'âme à son vibrato Bigsby en fin de concert.
Le concert démarre
fort avec un Mister soul à l'ambiance tendue. La lente et
lourde machine rythmique s'est mise en marche pour deux heures,
les sons de guitare sont énormes, les graves puissants et
les aigus enveloppés de réverbération se perdent
dans la nuit.
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L'ami fidèle
Ben KEITH est enfin présent dans cette tournée,
ténor de la pedal steel guitar, c'est lui qui trace les rayons
de soleil dans le fond de décors des chansons de Neil YOUNG.
Il apporte aussi de très bons churs avec Peggy YOUNG.
A la basse, celui qu'on appellera " l'indien ", digne
du Crazy Horse dont il aurait put faire partie, joue avec le pouce
des basses rondes, enchaînées, sans syncope. Il reste
statique et imperturbable, à l'image de cette statue de bois
peint représentant un chef indien et posée à
la droite de la scène (statue qui fut volée il y a
une trentaine d'années devant le magasin d'un fleuriste d'Hollywood
pour être mise sur scène lors des concerts de Tonight
the night ! ).
L'Ours est sorti
de sa tanière pour un dernier tour de piste sur le vieux
continent, c'est ce qu'on dit et c'est ce qu'il dira à qui
veut bien l'entendre en assénant un puissant HEY HEY MY MY
qui met le feu à la poudrière. La chanson est reprise
par tout le public, Neil attaque son chorus épileptique sous
les spot lights devant une forêt de bras levés. Au
deuxième couplet :
out
of the blue and into the black
you pay for this (il se désigne du doigt entre deux riffs)
and once you're gone
you can't come back (il se désigne à nouveau avec
insistance)
voilà,
les choses sont dites.
Enfin vient
le moment attendu par tout le monde du set acoustique car avec Neil,
imprévisible, on ne sait jamais : il serait capable d'en
priver le public.
Larry CRAGG lui amène sa vieille Martin d'avant guerre
: quel son ! Non mais quel son ! Et Neil nous envoie un superbe
Oh lonesome me magnifiquement chanté avec Ben à l'orgue
et aux choeurs, Peggy au piano et aux churs.
Suivront Old man avec Larry CRAGG au banjo, The needle and the damage
done, un magnifique Unknow legend en hommage à Peggy
L'électricité
revient avec la légendaire Gretsch blanche white falcon (qu'on
peut voir derrière la pochette de Harvest) pour une fidèle
version de Words, dont la magnifique et caractéristique rythmique
se reconnaît dès les premières mesures. Long
morceau où les chorus de guitare et de pedal steel se mélangent
et se relaient dans un large espace sonore.
Le tour de force
sera accompli avec Hidden path, interminable morceau " péplumique
" ou les chorus succèdent aux chorus dans une exploration
profonde, sincère, douloureuse et épileptique aux
confins de la nuit, de l'instant, de cet imaginaire propre à
chacun qu'est la culture rock, superficielle et profonde, résistante
et inoffensive, blessée
Fumées ?
Sur la chemise de Neil tâchée de couleurs vives (il
peut s'agir d'une uvre d'art autant que d'un vêtement
de travail), les tâches rouges sont étonnement rouge
sang.
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La Les Paul
est poussée à bout, la salle est saturée d'explosions
sonores apocalyptiques sous les faisceaux lumineux qui sillonnent
la noirceur épaisse de la halle.
Neil repart sans arrêt en chorus dans sa démarche lourde
et agile à la fois, trempé de sueur, au bord de la
transe. Il ira jusqu'à perdre l'équilibre, il tombe
derrière l'orgue sans lâcher sa guitare qu'il continue
de jouer rageusement, coincé par le câble tendu qui
pourrait lâcher à chaque instant et couperait instantanément
le son.
Il se débat pendant quelques secondes sans jamais cesser
de jouer puis réussit à se relever en poursuivant
son solo : c'est l'ovation.
Le morceau durera sans doute vingt ou trente minutes, morceau interminable,
morceau d'adieu.
Neil YOUNG salue le public en joignant les mains sous un tonnerre
d'applaudissement et quitte la scène.
Interrogation,
rappel ?
Oui, retour du monstre pour une surprise, un cadeau, l'inattendu
qu'on ne reconnaît même pas aux premiers accords de
la Gibson noire : A day in the life de John LENNON. Il nous
achève avec une version saturée où les cordes
électriques décuplées remplaceront dans une
tempête de cymbales les dizaines de violons du London Philharmonique
Orchestra pour l'interminable montée infernale, magnifique
hommage a notre regretté John LENNON.
Dans son final,
Neil tourné vers la batterie pousse à bout son instrument.
On le sent à deux doigts d'exploser la guitare contre un
ampli et de s'écrouler sur le sol, comme s'il n'y avait pas
d'autre issue, par d'autre moyen pour s'arrêter que d'aller
jusqu'au bout !
La guitare ne résistera pas, le cordier du vibrato, soumis
à trop rude épreuve, lâche et libère
plusieurs cordes. Certaines sont cassées, il doit rester
une ou deux cordes graves qui vibrent en sustain à la limite
du larsen, Neil se retourne et nous montre la guitare, il la prend
par le manche d'une main et la cogne plusieurs fois sur le sol devant
les amplis pour entretenir un son continu.
Il la dépose là et quitte la scène, détourant
presque le regard
Et on reste
là, sous les sifflements, les cris, les appels et les applaudissements.
Sous le choc. Abandonnés ?
Foule de solitaires
qui n'ont plus que la mémoire en commun une fois le point
de convergence des regards disparu.
On est un peu
perdus, hagards, avec une gueule de bois sonore entre les oreilles,
on se demande ce qui nous est arrivé en étant content
que ce soit arrivé et on dit :
Thank you Neil
!
Jean-Claude
LAURENT - le 28 juin 2008 - photos
de Michel Laurent
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